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Pour en revenir à l’édition indépendante, je pense qu’il est dans sa nature de chercher à se faire une place. Je ne dirais pas que l’édition indépendante cherche nécessairement à devenir majoritaire, à occuper les fauteuils de l’édition dominante. C’est le cas de certains éditeurs indépendants, qui ne sont indépendants que par défaut, parce qu’ils viennent de se créer et sont à l’aube de leur stratégie de croissance. En revanche, beaucoup d’indépendants se satisfont très bien de leur taille, parce qu’ils savent qu’il serait illusoire de vouloir grandir sans devoir renoncer à des principes auxquels ils tiennent. Tous les indépendants souhaitent néanmoins se maintenir, continuer à exister, laisser une trace. Et réinventer si possible les normes de l’institution éditoriale, à la fois parce qu’il est dans leur intérêt de le faire et parce qu’ils souhaitent inscrire au sein de la profession les valeurs qui leur sont propres. La plupart de ces réformes, il est vrai, ne sont pas des remises en cause fondamentales du système, pour la bonne et simple raison que les indépendants font partie intégrante du système. À la marge, mais dans le système. Un système symbolique et commercial. Le seul fait d’attribuer un ISBN et de mettre votre livre en distribution vous fait entrer de facto dans une logique commerciale. Et les relations de dépendance qui se créent, par exemple à un diffuseur qui appartiendrait à un groupe d’édition, conduisent à des formes d’autocensure. Il existe des variantes d’édition et de littérature plus « sauvages » comme le diraient Jacques Dubois et Denis Saint-Amand, hors institution et hors marché, mais ce n’est pas le cas ici. Ce n’est pas un problème en soi. C’est même une constante de l’édition indépendante pour se singulariser : donner à croire qu’elle peut torpiller de l’extérieur une institution à laquelle elle n’appartiendrait pas.